Chronique de Noé Michalon, diffusée le 7 juillet 2014 sur Festi.tv.
Chronique :Largo desolato
Au début, on trouve ça un peu bizarre. Cette loque en robe de chambre harcelée par ces binômes qui semblent sortis tout droit de son esprit en piètre état. Pour moi, ce fut le temps de l’havelisation. Le temps de me faire à Václav Havel. À l’absurde rieur, à l’hilare désespoir.
Il est ardu de deviner de quelle langue est tiré ce titre de Largo desolato. En revanche, il est aisé de deviner que le thème de la pièce n’a rien de joyeux.
La Compagnie Libre d’Esprit nous présente un écrivain en détresse, sur qui reposent les espoirs d’un peuple, d’amantes et de parents. Rien que ça. Une ancienne lumière devenue braise pâle, menacé de censure et de déportation par la dictature.
On navigue dans l’absurde. On se sent seul avec l’écrivain tant celui-ci nous paraît être l’unique personnage à peu près sensé de cet univers qui donne froid dans le dos. L’humour extirpe de nos poumons un rire glacial, un soubresaut d’humeur dans la steppe que l’on croit traverser. Le jeu dynamique et parfois tonitruant des personnages secondaires ne fait que renforcer la torpeur dépressive que traverse Leopold, notre ami philosophe.
On a froid. Les personnages surgissent par toutes les entrées, on tambourine à la porte, on répète cent fois les mêmes questions, notre amante nous envahit, on ne doit pas décevoir, on craque, on crie !
Passer un instant dans la peau d’un dépressif est rarement agréable aux premiers abords. Mais ce qui l’est davantage, c’est d’en tirer des leçons, de voir les prolongements ô combien valables que la pièce a sur nos sociétés où l’on attend parfois beaucoup trop de la part de simples êtres humains dont on oublie la nature.
Voir Havel, écouter Havel, vivre Havel, voilà ce que propose la compagnie. Un moment particulier, à saisir si l’on se sent aventurier.
Noé Michalon