Critique de Dashiell Donello parue dans Un fauteuil pour l’orchestre le 6 décembre 2012.
ƒƒƒ [=À ne manquer sous aucun prétexte]
« Audience » de Vaclav Havel (1936-2011) nous raconte le quotidien de Ferdinand, un dramaturge, devenu rouleur de tonneaux dans une brasserie suite aux changements de la société de son pays.
Un matin, Sladek le brasseur en chef convoque Ferdinand dans son bureau et lui donne dans un « tu et à toi » pas très naturel. Que lui veut-il ? Pourquoi le convier à boire force chopes, alors que ses collègues l’attendent et qu’il n’aime pas la bière ?
Dans un huis clos oppressant, rythmés par des allers-retours aux toilettes, Sladek lui fait comprendre qu’il représente le pouvoir dans la brasserie et lui propose aide et avancement, car les « autres » le surveillent.
Le silence de Ferdinand et l’alcool aidant, Sladek se dévoile de plus en plus et lui demande d’écrire, sur lui-même, un rapport autocritique et dénonciateur.
Toute ressemblance avec la vie de Vaclav Havel, n’est pas ici que pure coïncidence. Vaclav et Ferdinand sont comme des frères d’infortune dans l’administration communiste. Tous deux sont artistes et lettrés. Ils écrivent des pièces de théâtre, font des petits boulots et espèrent dans l’incarcération des lendemains meilleurs. Cet espoir s’accomplira à l’avènement de la « Révolution de velours (1989) » qui verra, quatre ans plus tard, Vaclav Havel accepter la présidence de la République tchèque en janvier 1993.
La mise en scène très fignolée de Nikson Pitaquaj se fonde sur un texte magistral de Vaclav Havel, qui sans juger, ni condamner, nous ouvre l’intime de la dictature d’un petit chef qui sait que celui qu’il tourmente, lui est supérieur. La compagnie du Libre esprit donne la priorité au jeu de l’acteur et à la narration de histoire. Cela n’est pas une vaine promesse ; les comédiens Henri Vatin et Zachary Lebourg sont remarquables. Et dans une scénographie réduite au strict minimum, nous avons le maximum de théâtre. Il serait donc dommage de passer à côté de cette « Audience ».