Résumé
Léopold Kopriva, philosophe et universitaire, vit cloîtré chez lui, à guetter le moment où «ils» viendront pour l’emmener «là-bas». Il boit, se bourre de médicaments, se sent malade, n’arrive pas à écrire.
Léopold demande à réfléchir : peut-il, pour sauver sa peau, prétendre qu’il n’est pas lui ?
Sa compagne Zuzana le rabroue, son ami Olbram lui reproche d’avoir changé, deux ouvriers viennent le voir pour l’exhorter à « agir », Lucy se jette à sa tête en lui promettant de le sauver par l’amour. C’est alors qu’« ils » arrivent, chargés d’une proposition : il suffira à Léopold de déclarer que son livre qui n’a pas plu aux autorités a été écrit par un autre pour bénéficier d’un non-lieu. Léopold demande à réfléchir : peut-il, pour sauver sa peau, prétendre qu’il n’est pas lui ?
Largo Desolato de Václav Havel
Avec :
Henri Vatin
Lina Cespedes
Yan Brailowsky
Zachary Lebourg
Anne-Sophie Pathé
Marc Enche
Elise Pradinas
Traduction : Erika Abrams, Stephan Meldegg
Mise en scène : Nikson Pitaqaj
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Présentation
«Un an seulement après sa libération, Havel parvint à écrire une pièce de théâtre. Son titre s’inspire d’un mouvement d’une composition de Berg. A l’origine, la pièce devait s’appeler Les porteurs de drapeaux. Václav l’a écrite en quatre jours de juillet 1984, à Hradecek, à une vitesse inouïe. C’est comme si elle avait mûri rapidement et n’avait plus besoin que d’être extériorisée. La façon d’écrire avait changé – il passait généralement jusqu’à un an sur une pièce et la recopiait plusieurs fois –, mais également le sujet. Largo Desolato est sa meilleure œuvre dramatique.
Eda Kriseova, La bibliographie de V. Havel, janvier 1991
En même temps, c’est la plus autobiographique, une transposition littéraire de la situation de l’auteur qui était sorti de prison. C’est une pièce sur la psychose post-carcérale mais elle parle de la situation dans laquelle un homme peut se trouver par la faute des autres. Aucun protagoniste de la pièce n’est nettement positif ou négatif, chacun se découvre.
C’est une pièce sur la psychose post-carcérale mais elle parle de la situation dans laquelle un homme peut se trouver par la faute des autres.
C’est un vrai drame dans lequel les personnages n’agissent pas comme ils voudraient mais comme ils doivent agir. Leur destin est la punition pour des erreurs qu’ils ont commises et pour l’incompréhension de leur propre situation. C’est une grande tragédie jouée dans un espace intime.»
Note de mise en scène
Le personnage de Léopold me plonge dans une période particulière de ma vie, au Kosovo. L’oppression était telle, l’attente des bourreaux tellement exacerbée, la peur de leur venue tellement forte, que le fait qu’ils ne viennent pas a engendré une douleur inouïe à la hauteur de la déception. Václav Havel dépeint à merveille le paradoxe d’une attente entière où se succèdent les longues périodes d’inertie et la précipitation avec laquelle les choses s’enchaînent quand elles arrivent.
*photographies : Blast
La scénographie dépouillée se fait écho du pillage identitaire subi par Léopold. La décoration de son intérieur n’est constituée que d’une chaise et d’une petite table basse.
Toutes les entrées et sorties des personnages se font par une même porte, en fond centre scène. Cette porte est aussi bien celle des bonnes nouvelles que celle des mauvaises, la frontière étant mince. Elle est aussi bien celle du réel (la porte de l’appartement) que celle de l’irréel qui ouvre sur l’infini et laisse entrer ceux qui viennent l’emmener « là-bas ». Léopold est pris dans un tourbillon dont la force semble le précipiter invinciblement vers cette mystérieuse porte.
graphisme : Ozan