Platonov, de Tchekhov
Traduction : Nino Noskin
Adaptation : Nikson Pitaqaj
Avec
Henri Vatin
Lina Cespedes
Yan Brailowsky
Zachary Lebourg
Anne-Sophie Pathé
Nikson Pitaqaj
Marc Enche
Elise Pradinas
Création lumières : Piotr Ninkov
Décors : Sokol Prishtina
Costumes : Drita Noli
Mise en scène : Nikson Pitaqaj
Mot du metteur en scène
Platonov est la toute première pièce de Tchekhov. Celui-ci n’avait que dix-huit ans lorsqu’il a écrit cette œuvre colossale, magnifique fourre-tout nourri par la fougue de la jeunesse avide d’explorer sans concession toutes les facettes de l’humanité. C’est une pièce monstrueusement riche d’une abondance de thèmes qu’elle traite avec une effroyable lucidité et une grande profondeur.
Nikson Pitaqaj – metteur en scène de Platonov
J’ai décidé de centrer mon adaptation sur le rapport de Platonov aux personnages qui l’entourent, en occultant la dimension financière du texte. Ainsi, je parviens à une pièce qui dure environ deux heures au lieu des quatre nécessaires pour monter l’intégralité du texte. J’ai conservé tous les personnages féminins et j’ai restreint le nombre de personnages masculins pour ne garder que ceux qui constituent avec Platonov les différents triangles amoureux. Mon objectif est d’axer le focal de mon adaptation sur les trajectoires des différentes amours, sur la naïveté de Platonov qui exacerbe la douleur, sur le trouble d’une génération désenchantée.
J’ai donc choisi d’appréhender Platonov dans son rapport à l’amour, au désir, au don de soi.
Mes origines balkaniques guident ma sensibilité vers des personnages slaves, écorchés vifs qui ont une fureur de vivre, à tout prix, et tout le temps. Personnages qui s’arrachent du quotidien au nom d’un idéal mais que le monde extérieur sacrifie finalement sur l’autel de la vulgarité. Personnages dont on doit célébrer le combat pour ne pas se laisser emporter par l’endormissement douillet de la médiocrité.
Mise en scène et scénographie
Platonov est un projet qui m’habite depuis longtemps. J’ai choisi de ne pas situer ni dater la pièce, je ne donne aucun signe d’époque ou de lieu. Ma perspective de travail sur Platonov étant son rapport à l’amour, le thème est, par définition, éternel et universel. Le tourbillon d’une musique festive de bal sur laquelle on danse ainsi que les bouteilles d’alcool qui se vident parachèvent l’installation d’un contexte qui n’est pas ancré dans une situation historique mais d’un contexte de vie. Tchekhov constitue une galerie de personnages hauts en couleur qui sont tous pleins de vie.
Nikson Pitaqaj – metteur en scène de Platonov
Ce qui est pour moi à observer c’est la matière humaine brute de décoffrage dans toute sa simplicité, son authenticité et sa violence.
Il s’agit d’abord d’une bande d’amis réunis pour une soirée, histoire de bavarder, de cancaner, de tromper l’ennui, de manger, de danser, et de boire aussi, bien sûr. Tout pourrait bien se passer, mais entre rires et larmes, ivresse feinte ou réelle, propos joyeux ou cruels, tendresse, désir, provocation, désespoir, la musique s’enraye. Le drame survient mais la fête continue. Les différents personnages passent leur temps à entrer, sortir, se contredire, (s’)aimer un instant et (se) détester le suivant. Le rythme n’a de cesse de s’accélérer, martelé par la danse qui devient tourbillon infernal nourri par la soif de vie des personnages.
Le public a un statut double : il est à la fois l’invité anonyme d’Anna Petrovna qui voit tout de la fête, et le voyeur indiscret des scènes intimes. En effet, au début de la pièce, la fête bat son plein. Le public est éclairé, les comédiens dansent, s’interpellent en prenant en compte de façon très directe ces spectateurs anonymes. Le comédien n’est pas sur le plateau, il se mêle au public devenu personnage, au même titre que lui et ses partenaires.
le public regarde les comédiens avec la curiosité et l’avidité de l’invité d’une fête dans laquelle on ne connaît personne.
L’écriture de Tchekhov n’est ni moralisatrice, ni manichéenne, et j’aime l’idée que l’on s’attache à chacun des personnages. Le drame arrive subrepticement, par les voies de la légèreté. L’humour est omniprésent dans le texte de Tchekhov. Il fend l’air, il est le terreau de l’énergie de ces personnages qui aspirent à autre chose que leur misérable quotidien. Cette forme d’humour « jusqu’au boutiste », même à l’approche de la mort, me parle personnellement, elle m’est familière. Le jaillissement de l’humour alors qu’on est à genoux, broyé sous le poids d’une violence extrême, je l’ai connu dans ma jeunesse au Kosovo. »
Photos : Oscar Hernandez
*illustrations : Pauline Flotz
Photographies : Blast
Graphisme : Ozan